
Photographie : L3tty – Volcan Fuego
Depuis toute petite, j’ai toujours eu cette étrange fascination pour les volcans, les éruptions volcaniques et les coulées de laves. Et puis j’ai entendu parler de la possibilité de s’approcher du volcan Fuego, au Guatemala : un volcan actif dont la dernière grosse éruption date de juin 2018.
Me rendant au Guatemala, j’ai cherché les agences qui proposaient ce genre d’excursions. J’en ai trouvé, à un prix un peu élevé et surtout avec une description très dissuasive quand à la difficulté de l’expédition. J’ai hésité longtemps, puis, dans l’intervalle de la planification de mon séjour Guatemaltais, le vlogueur Bruno Maltor s’est rendu au Guatemala et a achevé de me convaincre avec son magnifique cliché du Fuego, puis sa vidéo.
Sur les conseils de Bruno, j’ai contacté Wicho & Charlie’s pour avoir le détail de l’excursion et j’ai décidé de la tenter, hypra motivée, avec toutefois un doute sur ma condition physique.
Ils précisent bien que cette ascension sur deux jours est très éprouvante, n’est pas à la portée du tout venant : 1400 mètres de dénivelé avec un sommet à 3976 mètres d’altitude. Habituée à randonner en montagne, mon dénivelé maximum était de 1000 mètres, et je me souviens avoir galéré.

En résumé, je vais en chier!
Mais soyons fous ! Le jeu en vaut la coulée de lave !

Me voilà partie pour la randonnée la plus éprouvante de ma vie à ce jour. Je remercie la personne de l’agence qui m’a vivement recommandé les bâtons de randonnée. Je n’en avais jamais utilisé et je dois dire qu’ils m’ont épargné deux ou trois gamelles et m’ont permis de ne pas trop glisser sur les sentiers pentus et sableux : le genre de sentiers où tu fais un pas et tu glisses de deux. (Si tu fais l’ascension un jour, prends les bâtons !)
La randonnée se fait en grande partie dans une forêt d’épineux. Il fait chaud, le sol est sableux et poussiéreux et le ciel se couvre à mesure qu’on se rapproche du sommet de l’Acatenango, à cause de son voisin, le Fuego, qui crache joyeusement des volutes de fumée par intermittence. La marche est corsée et les derniers mètres avant d’atteindre le campement à 3600 mètres sont les pires. Du moins, c’est ce que je me disais sur le moment.
Mais ouf ! Les guides nous accueillent avec le sourire et nous tapent dans la main.


J’ai juste le temps de souffler un peu et de me changer parce que la température chute à mesure que le soleil décline.
Le Fuego fait son timide dans sa parure de nuages. Tant pis, je lui donne rendez-vous au sommet à 4000 mètres.
“Rappelle-toi Letty, la photo de Bruno… Oh yess! Allons y gaiement !“
Je déchante vite en empruntant le dernier sentier vers le sommet. Non seulement ça monte sévère, mais en plus ça glisse ! Merci les bâtons ! Je m’accroche et je monte. Je pleure un peu aussi, quand personne ne me voit, parce que j’ai mal partout. Je peine à mettre un pied devant l’autre et à cette altitude, je suis vite essoufflée.
Je traverse ce sentier sableux qui sinue entre les derniers arbres qui parent l’Acatenango.

Une crête de plat me permets de reprendre mon souffle. Une explosion retentit. Mon cœur s’arrête et je pousse un cri de surprise, puis avec mes camarades, j’éclate de rire. Le Fuego est là, tout près. La fumée nous enveloppe. Nous continuons d’avancer.

Je suis presque soulagée de voir des rochers à escalader: c’est plus consistant que le sable. Ils ne s’étendent que sur quelques mètres seulement. Et la pente qui suit est plus raide encore, uniquement constituée de sable volcanique.
Tu te souviens ? Quand je disais que tu avance d’un pas et tu glisses de deux?
Nous y sommes! La montée est un calvaire. Je compte chacun de mes pas, comme si ça allait m’aider à mieux avancer. Mes camarades sont loin devant et disparaissent dans les nuages, je ne vois pas le sommet. J’ai une boule dans la gorge et du mal à respirer à cause de l’altitude, mais une chose est claire dans ma tête, je dois y arriver!
L’un des guides vient d’apparaître à côté de moi et me demande si ça va. J’ai envie de pleurer. Je lui dis que c’est dur, mais que je vais y arriver. Il me dit que le sommet est juste derrière le rocher qui se trouve à quelques mètres au dessus de moi et m’encourage. Je redouble d’effort pour franchir les derniers mètres. Je découvre alors un paysage lunaire.

Le guide me félicite avec enthousiasme et je lui fais un câlin. Mes camarades ont le même sourire fatigué que moi, je laisse couler mes larmes de joie.
Je l’ai fait put… akunamatata!
Dans notre liesse d’être arrivés au sommet, on en oublie presque pourquoi on est montés jusque là. Le guide nous dit “c’est par là”. Après quelques photos, nous contournons la dune de sable qui est en fait une arrête du cratère de l’Acatenango. Nous marchons quelques mètres encore. Les nuages se dissipent, le soleil couchant teinte les plus lointains d’entre eux de rose et de jaune.

Sur la gauche, je devine le Fuego sous un amas de nuages. Les cumulus se déplacent à une vitesse folle et font durer le suspens, découvrant et recouvrant le volcan.

Celui-ci se manifeste en crachant des volutes de fumées.
Le spectacle nous laisse sans voix.

Je m’assois sur un rocher et je reste là, médusée, fascinée par ce géant cracheur de feu, qui apparaît sous mes yeux. Je ne vois que de la fumée qui s’élève en colonne au dessus de lui. C’est magique.

Nous restons là, à immortaliser l’instant tandis que le soleil se couche.
Je suis impatiente de voir la lave jaillir du cratère. Mais le guide annonce le départ. Il nous faut redescendre car il va faire nuit, et le chemin périlleux que nous avons emprunté pour monter jusqu’ici se rappelle à mon bon souvenir. Je n’ai pas envie de le descendre à la lampe torche.
Nous nous mettons en marche et la descente est aussi périlleuse que la montée. Le sol se dérobe sous nos pas. Je manque de me casser la figure à plusieurs reprises. L’un des guides me dépasse en courant dans le sable noir. “Frimeur! Il sait ce qu’il fait lui, il a l’habitude,” me dis-je.
L’autre guide me voit galérer et glisse littéralement jusqu’à moi. J’observe sa technique, il me dit que la descente est plus facile si on se laisse glisser. Je dérape encore, mes pieds s’enlisent dans le sable noir, je glisse. C’est comme marcher dans le sable à la plage, ou descendre une piste de ski dans la poudreuse. J’ai pigé le truc et je trouve même ça marrant.
Il fait complètement nuit quand nous arrivons au campement et comme pour saluer notre arrivée, une détonation retentit. Le Fuego déverse quelques coulées de lave rougeoyantes sur ses flancs.

Maintenant que la nuit est d’encre, il se dévoile à nous et illustre son nom. (Fuego = Feu) Le spectacle est irréel. Certains de mes camarades manifestent leur enthousiasme par des cris de joie. Quand à moi, je suis émue aux larmes, je contemple la beauté terrible du Fuego en silence, gravant à jamais ces images dans ma mémoire, à défaut d’avoir réussi à en tirer des clichés corrects.
Nous avons passés la soirée à nous repaître autour du feu de camps et avons assisté à la représentation son et lumière que Fuego a donné jusque tard dans la nuit. Il crachait encore des volutes de fumées au lever du soleil, quand nous avons du le quitter.

Ce fut pour moi une expérience mémorable et inouïe que je suis heureuse de te faire partager.
S’il n’y avait mes camarades pour en témoigner, je penserais l’avoir rêvée.

Ça, c’est fait !